Avant la dernière période glaciaire, l'hippopotame était répandu en Afrique
du Nord et en Europe, car il peut vivre dans des climats plus froids pourvu que
l'eau ne gèle pas en hiver. Il est maintenant éteint en Égypte, où il était
courant de le voir dans le Nil au cours des temps historiques. Pline l'Ancien
écrit qu'à son époque le meilleur endroit d'Égypte pour le capturer était dans
le nome de Saïs (N.H. 28.121); et on pouvait toujours en trouver le long du
bras de Damiette après la Conquête arabe (639). Même sur l'île de Malte, à
Għar Dalam (la Grotte des Ténèbres), des ossements d'hippopotames ont été
trouvés, datant d'environ 180 000 ans. Les hippopotames existent toujours dans
les fleuves de l'Ouganda, du Soudan, dans le Nord de la République démocratique
du Congo et dans le Nord de l'Éthiopie, dans l'Ouest de la Gambie aussi bien
que dans le Sud de l'Afrique (Botswana, République d'Afrique du Sud, Zimbabwe,
Zambie). Une population distincte vit en Tanzanie et au Mozambique.
Moins commun, l'hippopotame pygmée de l'Ouest de l'Afrique, Hexaprotodon
(Choeropsis) liberiensis, est représenté par deux populations. La
première en Guinée, au Sierra Leone, au Liberia et en Côte d'Ivoire. L'autre
population, avec une forme du crâne différente, a habité jusqu'à une date
récente le Delta du Niger, mais doit à présent être éteinte.
Un hippopotame immergé
Les hippopotames sont extrêmement territoriaux ; un hippopotame mâle
marque souvent son territoire le long d'une berge de rivière où il garde son
harem de femelles, qu'il défend contre les autres mâles. Les hippopotames mâles
se défient avec des bâillements menaçants. Leurs canines mesurent 50
centimètres de long et ils utilisent leur tête comme un bélier, surtout contre
les mâles rivaux quand ils luttent pour leur territoire. L'hippopotame n'attaque
pas les humains, mais, extrêmement territorial, il défend contre eux son
domaine avec énergie et, comme son habitat est souvent envahi par les fermiers
et par les touristes, il compte parmi les animaux les plus dangereux d'Afrique.
On dit qu'il cause plus de morts chez les humains qu'aucun autre mammifère.
Les hippopotames vivent presque toujours en eau peu profonde, rarement en
eau profonde. La plupart des hippopotames qui ont l'air de flotter sont en fait
debout ou couchés sur le fond. Ils se nourrissent à terre surtout pendant la
nuit, consommant jusqu'à 50 kg de végétation par jour. On a observé qu'ils
consomment de temps en temps de la viande trouvée dans des ordures près de leur
habitat, mais ce ne sont pas réellement des carnivores.
Les hippopotames adultes ne flottent généralement pas. En eau profonde, ils
se propulsent d'habitude par des sauts, en poussant sur le fond. On a remarqué
qu'ils se déplacent à 8 km/h dans l'eau. Les jeunes hippopotames nagent plus
volontiers, en se propulsant grâce à des coups de pied de leurs jambes
arrières. Un tout jeune hippopotame a survécu après avoir été projeté dans la
mer pendant le tsunami produit par le séisme de l'Océan Indien en 2004 et a été
recueilli sur une île voisine.
Les bébés hippopotames naissent sous l'eau et pèsent entre 60 et 110
livres ; ils doivent monter à la surface pour leur première respiration.
Les jeunes restent souvent sur le dos de leurs mères quand l'eau est trop
profonde pour eux et s'immergent pour téter.
Les hippopotames adultes font habituellement surface pour respirer toutes
les 3-5 minutes. Les jeunes doivent respirer toutes les 2-3 minutes. Le
processus de remontée en surface et de respiration est automatique et même un
hippopotame qui dort remontera et respirera sans se réveiller. On a observé des
hippopotames qui restaient en submersion jusqu'à 30 minutes. Dans cette
situation il ferme ses narines.
Un crâne le crane canines utilisées pour combattre
Trois espèces d'hippopotames ont disparu à Madagascar au cours de
l'Holocène, l'une d'elles il y a seulement un millier d'années. Une espèce
naine, Phanourios minutis, a vécu sur l'île de Chypre, à Aetokremnos,
mais a disparu à la fin du Pléistocène. On discute pour savoir s'il faut
incriminer l'intervention humaine. En 2005, la population d'hippopotames du
Parc national Virunga en République démocratique du Congo était tombée à 800 ou
900 individus alors qu'elle en comptait environ 29 000 dans le milieu des
années 1970, provoquant des inquiétudes quant à la survie de cette population.
Ce déclin est attribué aux dégâts causés par la Deuxième guerre de Congo. On
croit que les braconniers sont d'anciens rebelles Hutus, des soldats congolais
mal payés et des milices locales. Les braconniers chassent pour se nourrir,
mais aussi pour le profit financier. Un hippopotame de trois tonnes vaut des
milliers de dollars. La vente de viande d'hippopotame est illégale, mais quand
elle arrive inopinément dans les marchés, elle se vend si vite qu'il est
difficile pour les fonctionnaires du WWF d'intervenir. Les défenseurs de
l'environnement avertissent que cet hippopotame pourra bientôt avoir disparu du
Congo.
Chasse au crocrodile et à l'hippopotame (1616), par Pierre
Paul Rubens.
On a décrit cinq sous-espèces d'hippopotames en se fondant sur des
différences morphologiques (H.a amphibius, H.a. kiboko, H.a.
capensis, H.a. tschadensis, H.a. constrictus; Lydekker 1915).
Pourtant, l'existence de ces sous-espèces présumées n'avait pas été confirmée
par des analyses génétiques, c'est ce qu'a fait une étude récente d'Okello et
al. (2005). En utilisant l'ADN mitochondrial des biopsies de peau prélevées
dans 13 lieux d'échantillonnage, les auteurs ont examiné la diversité et la
structure génétiques parmi les populations d'hippopotames à travers le
continent. Ils trouvent que la différentiation génétique est basse mais
significative parmi 3 des 5 groupes présumés - H.a. amphibius, H.a.
capensis, H.a. kiboko. Si ces conclusions sont exactes, cela
voudrait dire que les hippopotames communs au Kenya et en Somalie (kiboko),
en Afrique du Sud (capensis de la Zambie à l'Afrique du Sud) et dans le
reste des pays africains sub-sahariens (amphibius) représentent trois
sous-espèces distinctes, avec H.a. amphibius comme groupe ancestral.
Okello et al. ont établi également que les hippopotames communs ont connu en
Afrique une expansion démographique importante au cours du Pléistocène et
ultérieurement, expansion qu'ils attribuent à une augmentation des étendues
d'eau à la fin de cette époque. Ces conclusions ont des implications
importantes pour la conservation. Les populations d'hippopotame à travers le
continent sont menacées par la disparition de leur habitat et la chasse non
contrôlée. Et il ne suffira pas de lutter contre ces menaces communes, il
faudra aussi préserver la diversité génétique de ces trois sous-espèces
distinctes. L'hippopotame a été placé sur ce qu'on appelle la « Liste
Rouge » établie par l'Union pour la Conservation Mondiale (IUCN) en mai
2006. Voilà qui montre bien que l'hippopotame commun est à présent en sérieux
danger d'extinction.
L'animal, familier du Nil, prête son visage massif à Taouret (« La
grande »), la déesse hippopotame du panthéon égyptien.
Par la suite les savants grecs Hérodote et Aristote qui ne le connaissent
que par ouï-dire, allaient l'affubler de sabots fourchus et d'une crinière de
cheval qu'il garderait dans les représentations des zoologues jusqu'à la Renaissance.
Il faut attendre Pierre Belon qui voit un hippopotame à Constantinople pour
que soit démenties les fables transmises par les écrits des anciens. Une statue
antique du Nil, dans les jardins du Pape au Belvédère, qui le représente assure
au zoologue qu'il s'agit bien du même animal.
Les expéditions scientifiques des siècles suivants rendent l'hippopotame
familier aux naturalistes, avant que l'extension coloniale des nations
occidentales ne le fassent entrer dans le bestiaire commun à l'humanité.
« Je l'adorais parce qu'il ressemblait à une grosse bête ; je me
le figurais simplement comme un hippopotame ; et le tableau me ravissait à
cause de sa candeur et sa justesse ; car, sans amis avec une mauvaise
influence, il avait dû tout attendre des climats néfastes, et revenait soit des
Indes ou de Sumatra, ou d'ailleurs. »
Arthur Cravan, Oscar Wilde est vivant !, 1913 (Maintenant n°3,
n° sp. 1)
Bataille sur le grand fleuve, Jean Rouch, 1951, 16mm couleur, 33
minutes : une chasse à l'hippopotame par les pêcheurs Sorko du fleuve
Niger.
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